- SACRÉ-CŒUR (DÉVOTION AU)
- SACRÉ-CŒUR (DÉVOTION AU)SACRÉ-CŒUR DÉVOTION AUDepuis une centaine d’années, dans les pays catholiques, un cœur couronné d’épines, c’est un sacré-cœur; une statue ou un tableau qui représente Jésus-Christ avec une poitrine rayonnante ou un cœur à la main, c’est encore un sacré-cœur ou une image du Sacré-Cœur. Si l’on affirme que la dévotion au Sacré-Cœur est en honneur dans l’Église catholique, il arrive que des esprits, même religieux, en soient étonnés. Sans accuser leur Église de promouvoir ou de tolérer l’idolâtrie, certains catholiques sont d’ailleurs restés assez longtemps réticents devant cette «dévotion», lui reprochant une littérature larmoyante (cantiques, brochures et prédications), une imagerie d’assez mauvais goût et des pratiques parfois voisines de la superstition. Augustin Gazier a conservé le souvenir de quelques familles jansénisantes à la fin du XIXe siècle: elles ne manquent qu’une fois par an la grand-messe et les vêpres, le dimanche de la solennité du Sacré-Cœur.Quoi qu’il en soit de l’expression «dévotion au Sacré-Cœur», il n’est pas étonnant que la piété chrétienne ait porté son regard sur le cœur de Jésus-Christ. Le «cœur» est un terme fréquemment employé dans la Bible pour désigner l’intérieur de l’homme et même ce qu’il y a de plus secret en lui. L’évangéliste saint Jean raconte ce qu’il advint à Jésus, qui venait d’expirer: un soldat, «de sa lance, lui perça le côté, et aussitôt il sortit du sang et de l’eau». Par-delà cette blessure, on devine un cœur blessé, ouvert, «navré». Tout un courant de la pensée antique considère, par ailleurs, le cœur comme le siège de la vie, du courage et de la générosité. Jésus-Christ enfin, pour un croyant, c’est Dieu incarné; toute sa personne est adorable. Au confluent de ces courants de pensée et de cette croyance, dans des cloîtres rhéno-flamands du XIIIe siècle, jaillit toute une imagerie, que l’écrit fixera et transmettra: le cœur de Jésus devient l’arche de la divinité et la fournaise de la charité; les moniales rêvent de pénétrer dans ce cœur ouvert ou d’y faire brûler tous leurs mauvais penchants; pour avoir en elles-mêmes les sentiments de leur maître et modèle, elles demandent son cœur (thème de l’échange des cœurs). Un musicologue note que le culte ainsi rendu au cœur du Christ a tendance, dès cette époque, à s’exprimer en hymnes ou rythmes, autrement dit à prendre un caractère liturgique.Dans le renouveau religieux de l’Église catholique au XVIIe siècle, la ferveur médiévale refleurit; les images propres à l’entretenir se raniment. La gravure anversoise elle-même y contribue. Saint François de Sales et Pierre de Bérulle s’en servent. Saint-Cyran écrit un court traité Du cœur nouveau (1627). Saint Jean Eudes, pendant une mission à Autun, fait célébrer un office du cœur de Marie, en explique la dévotion et fait paraître, à cette double fin, deux petits livres (1648): le cœur de Marie, tout entier formé et possédé par Jésus, doit être le modèle du cœur chrétien. Un autre office, également imprimé, fut composé par Eudes en l’honneur du divin cœur de Jésus (1672), non pour faire adorer un muscle creux, mais la personne même de Jésus-Christ, dont le cœur doit contribuer à rappeler aux fidèles l’amour que porte Jésus-Christ à son Père et à tous les hommes. Une visitandine de Paray-le-Monial, dans le diocèse d’Autun, sainte Marguerite-Marie Alacoque, fait part de «révélations», reçues entre 1673 et 1689, de «ce cœur qui a tant aimé les hommes et en est si peu aimé», et qui souhaite l’établissement d’une fête en son honneur. Des jésuites et un ancien vicaire général d’Autun, devenu évêque de Soissons, puis archevêque de Sens, Jean Joseph Languet de Gergy, contribuent à une diffusion large et rapide de la «dévotion au Sacré-Cœur». Le pape Clément XIII en approuve une fête et un office (1765), que l’archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, adopte pour son diocèse (1767).Alors, et alors seulement, commencent les attaques des jansénistes dans leur journal clandestin, les Nouvelles ecclésiastiques , qui tourne en dérision les «cordicoles». Un curé du diocèse d’Auxerre, sans se nommer, fait paraître une Lettre aux cordicoles sur l’origine et les inconvénients de la fête du Sacré-Cœur de Jésus et Marie (1781). Distinguant ensuite ce que son titre confond, il se moque de deux prophétesses: Marie des Vallées, qui aurait inspiré au père Eudes la fête du cœur de Marie; Marguerite-Marie Alacoque, qui aurait inspiré à un père jésuite, Claude de La Colombière, la fête du cœur de Jésus. L’ancien évêque constitutionnel Henri Grégoire renouvelle ces attaques dans son Histoire critique des dévotions nouvelles au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur de Marie (1807), suivi par l’ancien oratorien Mathieu-Mathurin Tabaraud, Des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (1822).Certains catholiques, en France, au XIXe siècle, donnent à la dévotion au Sacré-Cœur une coloration royaliste (notamment lors de l’érection, sous ce vocable, de la basilique de Montmartre). Ils se rappellent le vœu de Louis XVI au Temple, les cœurs arborés par les chouans de Vendée et ceux qui auraient dû orner les étendards royaux sous le règne de Louis XIV, selon la visitandine de Paray. Pour répondre aux vœux exprimés par beaucoup d’autres pays, Pie IX inscrit au calendrier de l’Église universelle la fête et l’office du Sacré-Cœur (1856), dont les textes seront par la suite plusieurs fois remaniés.
Encyclopédie Universelle. 2012.